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pour désigner les essences du corps, de l’animal & de l’homme. Ces termes leur étant devenus familiers, il est bien difficile de leur persuader qu’ils sont vuides de sens.

En troisième lieu ; il n’y a que deux moyens de se servir des mots ; s’en servir après avoir fixé dans son esprit toutes les idées simples qu’ils doivent signifier, ou seulement après les avoir supposés signes de la réalité même des choses. Le premier moyen est, pour l’ordinaire, embarrassant, parce que l’usage n’est pas toujours assez décidé. Les hommes voyant les choses différemment, selon l’expérience qu’ils ont acquise, il est difficile qu’ils s’accordent sur le nombre & sur la qualité des idées de bien des noms. D’ailleurs, lorsque cet accord se rencontre, il n’est pas toujours aisé de saisir dans sa juste étendue le sens d’un terme : pour cela il faudroit du temps, de l’expérience & de la réflexion. Mais il est bien plus commode de supposer dans les choses une réalité dont on regarde les mots comme