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cris avec les sentimens qu’ils doivent exprimer. Les ours ne peuvent lui fournir les mêmes occasions : leurs mugissemens n’ont pas assez d’analogie avec la voix humaine. Par le commerce que ces animaux ont ensemble, ils attachent vraisemblablement à leurs cris les perceptions dont ils sont les signes, ce que cet enfant ne sauroit faire. Ainsi pour se conduire d’après l’impression des cris naturels, ils ont des secours qu’il ne peut avoir, & il y a apparence que l’attention, la réminiscence & l’imagination, ont chez eux plus d’exercice que chez lui : mais c’est à quoi se bornent toutes les opérations de leur ame[1].

  1. Loke (L. 2. C. 11. §. 10 & 11.) remarque, avec raison, que les bêtes ne peuvent point former d’abstractions. Il leur refuse en conséquence la puissance de raisonner sur des idées générales, mais il regarde comme évident qu’elles raisonnent en certaines rencontres sur des idées particulières. Si ce philosophe avoit vu qu’on ne peut réfléchir, qu’autant qu’on a l’usage des signes d’institution, il auroit reconnu