Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 1.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

sciences abstraites : chaos que les philosophes n’ont jamais pu débrouiller, parce qu’aucun d’eux n’en a connu la première cause. Locke est le seul en faveur de qui on peut faire ici quelque exception.

§. 11. Cette vérité montre encore combien les ressorts de nos connoissances sont simples & admirables. Voilà l’ame de l’homme avec des sensations & des opérations : comment disposera-t-elle de ces matériaux ? Des gestes, des sons, des chifres, des lettres ; c’est avec des instrumens aussi étrangers à nos idées que nous les mettons en œuvre, pour nous élever aux connoissances les plus sublimes. Les matériaux sont les mêmes chez tous les hommes : mais l’apresse à se servir des signes varie ; & de-là l’inégalité qui se trouve parmi eux.

Refusez à un esprit supérieur l’usage des caractères : combien de connoissances lui sont interdites, ausquelles un esprit médiocre atteindroit facilement ! ôtez-lui encore l’usage de la parole ; le sort des