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de nos connoissances ou de nos préjugés. Mais, dès qu’elle s’en écarte, elle n’enfante plus que des idées monstrueuses & extravagantes. C’est-là, je crois, ce qui rend cette pensée de Despréaux si juste.

Rien n’est beau que le vrai ; le vrai seul est aimable.
Il doit règner partout, & même dans la fable.

En effet, le vrai appartient à la fable : non que les choses soient absolument telles qu’elle nous les représente ; mais parce qu’elle les montre sous des images claires, familières, & qui, par conséquent, nous plaisent, sans nous engager dans l’erreur.

§. 91. Rien n’est beau que le vrai : cependant tout ce qui est vrai n’est pas beau. Pour y suppléer, l’imagination lui associe les idées les plus propres à l’embellir ; &, par cette réunion, elle forme un tout où l’on trouve la solidité & l’agrément. La poésie en donne une infinité d’exemples. C’est-là qu’on voit la fiction, qui seroit toujours ridicule sans le vrai, orner la vérité qui seroit souvent