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sans doute plus de 300 millions vers la fin du XXe siècle, lorsque l’Amérique du Sud se sera peuplée.

Ce qui prouve d’ailleurs d’une façon très démonstrative que c’est le français qui a le plus de chance de devenir la langue auxiliaire de l’Europe, c’est que le français joue déjà ce rôle depuis près de deux siècles et qu’il a joué un moment même plus que ce rôle. Vers 1770, le français a été non seulement la langue auxiliaire de l’Europe, mais, dans une certaine mesure, presque la langue nationale de l’Europe ; vers 1770, l’aristocratie politique et intellectuelle de notre continent ne parlait presque que le français et ne lisait en grande partie que des livres français. Ce fait est si connu qu’il est à peine nécessaire d’en parler ; on a dit qu’une réaction s’est opérée depuis et que le français ne possède plus la situation prédominante qu’il occupait sous Louis XV ; c’est incontestable, mais il faut comprendre la véritable nature de ce fait. Le français a cessé de jouer le rôle de langue partiellement nationale ; et cela est arrivé non pas parce que le français a faibli, mais parce que les autres idiomes nationaux se sont fortifiés. Vers 1770 le russe, par exemple, était une langue inculte ne possédant presque pas de littérature ; maintenant le russe est devenu capable d’exprimer les nuances les plus fines de la pensée humaine ; la littérature russe est également assez riche, et en belles lettres et