Nos ancêtres avaient besoin d’un grand excédent d’énergie physique et morale, il leur fallait aller à la vie, comme on va au feu. Et à ces pauvres et rudes foyers de Ville-Marie, toujours menacés, que de fois la Sœur dut porter la confiance en Dieu, la sérénité.
Elle ressentait, au plus vif du cœur, les maux de chacun. Les massacres, les enlèvements, tous ces cruels événements de la guerre de surprises faite aux colons la laissaient comme blessée et ensanglantée.
Les odieux procédés, dont on usa à Québec envers Maisonneuve, lui furent aussi bien sensibles. C’est à elle surtout que le fondateur de Montréal, — digne de l’apothéose — s’ouvrait des avanies qu’il avait à subir, et bien amère fut sa douleur, quand elle le vit partir, pour ne revenir jamais.
Une épreuve terrible allait aussi l’atteindre dans son œuvre. Un furieux incendie réduisit en cendres tout ce que la Congrégation possédait à Montréal. Deux religieuses périrent même dans les flammes et l’une de ces infortunées était la propre nièce de la Sœur Bourgeoys.
Mgr de Laval, jugeant, que la Congrégation ne pourrait jamais se relever de cette catastrophe, proposa à la Sœur Bourgeoys, de l’agréger aux Ursulines de Québec. Sa soumission envers ses supérieurs était sans bornes. Cependant elle crut devoir représenter au prélat que le bien qu’elle voulait faire avec ses filles était incompatible avec la règle d’une communauté cloîtrée, que ce serait aller contre les vues qu’elle croyait avoir reçues de Dieu, qu’elle ne voulait d’autres chaînes que celle du pur amour. Elle ajouta qu’elle comptait sur la protection de la Vierge, et Mgr de Laval ne crut pas devoir insister. Il la laissa libre d’agir comme elle jugerait bon, et l’héroïque femme commença à bâtir n’ayant que quarante sous.