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Mont-Royal ? Qu’elle aurait aimé s’y rendre souvent en pèlerinage ! Mais le danger était trop grand.

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C’était pour assurer l’instruction aux enfants de Montréal que Maisonneuve lui avait demandé de se sacrifier à son œuvre. En attendant qu’on pût ouvrir une école, il confia à Marguerite Bourgeoys la direction de sa maison et elle passa quatre ans au fort. D’après les historiens, elle fut comme une véritable mère pour tous les colons ; on la trouvait partout où il y avait quelque souffrance à soulager. Les soldats lui inspiraient une compassion particulière ; elle blanchissait leur linge, raccommodait leurs hardes. Durant un hiver très rude, quelques-uns étant venus se plaindre que le froid les empêchait de dormir, elle leur donna le lit qu’on l’avait forcée d’accepter et se réduisit à coucher sur le plancher.

Combien elle devait s’ingénier pour soulager un peu ceux qui passaient les nuits d’hiver, le long du fleuve, veillant en silence pour le salut de tous ! Comme son cœur si noble devait s’attendrir quand les braves qui étaient de garde, venaient à la chapelle du fort, faire leur prière à la Vierge, avant de prendre leur poste de périls !

On avait vite le crâne dégarni de sa peau, et à Ville-Marie, pour franchir le seuil de sa porte un homme prenait les armes. Marguerite Bourgeoys ne semble avoir jamais eu le moindre souci du danger, et partout où il y avait quelque bien à faire, on la voyait accourir.

Vénérée de tous, elle l’était particulièrement de Maisonneuve. Le héros lui ouvrait toute son âme et c’est elle qui l’engagea à faire le vœu de chasteté.

Aux heures d’abattement, ne devait-il pas chercher auprès d’elle la consolation, la confiance ? Que de fois, sans doute, il l’entretint de ses craintes, de ses espérances, des rêves de beauté et de gloire que son mâle esprit