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Marguerite Bourgeoys fit le voyage de Troyes à Paris dans la voiture publique, en compagnie de M. Cossard, son oncle, et de Madame de Chuly, sœur de Maisonneuve.

Celle-ci allait dire adieu à son frère. Comme tout le monde à Troyes, elle ignorait le dessein de Marguerite. Ce dessein était resté un profond secret.

Mais une fois en chemin, Marguerite Bourgeoys dit ouvertement qu’elle n’allait à Paris que pour prendre la route du Canada, où elle devait passer avec M. de Maisonneuve.

Chacun crut à une plaisanterie. Madame de Chuly et M. Cossard ne firent que rire du propos. Rendue à Paris, Marguerite pria son oncle de l’accompagner chez un notaire où elle avait, disait-elle, quelques affaires à régler. C’était un acte d’abandon de ses droits à la succession de son père et de sa mère, qu’elle voulait faire en faveur de son frère et de sa sœur.

Il fallut bien que M. Cossard se rendît à l’évidence. Plus affligé qu’on ne saurait dire, il supplia sa nièce de renoncer à son projet. Il lui représenta ce qu’elle devait à sa famille, l’extravagance et la témérité de ce voyage.

Voyant qu’il ne gagnait rien, il se hâta de faire savoir la nouvelle à Troyes.

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Marguerite y était aimée et bientôt elle fut accablée de lettres, de supplications et de reproches. Parents et amis s’unirent pour l’arrêter. Madame de Chuly n’était pas moins ardente à la dissuader, à la retenir. Et comme on savait qu’elle avait été refusée au Carmel, on fit des démarches auprès du Provincial, des Carmes. Ces démarches eurent un plein succès : ce religieux écrivit à Marguerite qu’il la ferait recevoir dans le couvent de son ordre qu’elle choisirait.