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craignant d’être à jamais déçues de leurs espérances, s’adressèrent à Marguerite et lui dirent qu’elle devait leur être fidèle, lui donnant ainsi à entendre, qu’ayant été invitée par les religieuses de la Congrégation à les suivre au Canada, elle ne devait y aller qu’en leur compagnie. Mais Marguerite répondit agréablement :

« Il est vrai, j’ai promis de vous accompagner si vous alliez dans ce pays, mais je n’ai pas promis, si vous tardiez trop, de ne pas y aller sans vous. »

• • •

Les autorités religieuses approuvèrent la décision de Marguerite. Mais elle avait espéré emmener une compagne. La Compagnie de Montréal n’ayant pas permis à Maisonneuve de lui accorder cette satisfaction, elle se trouva dans une grande angoisse. Il répugnait à sa délicatesse de s’en aller si loin, seule avec un gentilhomme qu’elle connaissait à peine et une recrue de soldats. Cela lui semblait contre la prudence, contre les convenances.

Elle exposa ses craintes à son confesseur. Il lui répondit :

« M. de Maisonneuve est le chevalier de la Reine du ciel, mettez-vous sous sa conduite comme sous la garde d’un ange. »

Dans ses supérieurs, Marguerite voyait Dieu lui-même et elle n’hésita point à obéir. Elle se disait : « Dieu m’a créée, je suis sa chose, je dois exécuter ses ordres, quels qu’ils soient. »

Mais chacun sait combien profonde est la tendresse qui nous lie au sol natal. Puis, il fallait s’en aller dans une contrée sauvage, affronter des périls dont le moindre suffisait à faire dresser les cheveux.

Il semble donc qu’une faible femme était en droit de demander à Dieu un signe manifeste de sa volonté. Et ce signe que Marguerite n’osait désirer, il plut à Dieu de