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Sœur Bourgeoys, tant j’ai remarqué en elle de grandeur d’âme, de foi, de confiance en Dieu, de zèle, d’humilité, de mortification. »

Jamais on n’a tenu la nature plus sous ses pieds. L’amour l’avait jetée sur la croix et la consuma sur la croix. La souffrance faisait sa gloire et ses délices.

Que dire de cette ferveur d’esprit, de cette prière intense qui ranimait son corps épuisé et lui tenait lieu de repos : « Ô gémissements ! ô cris de la nuit, pénétrant les nues, perçant jusqu’à Dieu ! ô fontaines de larmes, source de joie[1] ! »

Sans cesse elle intercédait pour cette nouvelle église, et le curé de Ville-Marie, M. Souart, voyait dans sa prière un rempart puissant, invincible.

Cette admirable vertu du courage — qui en suppose tant d’autres — ne s’affaiblit jamais chez cette femme auguste, et à l’âge de soixante-neuf ans, elle en donna une preuve qui mérite d’être signalée.

Mgr  de Saint-Vallier songeait alors à fonder l’Hôpital-Général. Au mois de mars 1689, il écrivit à la Sœur Bourgeoys pour l’engager à se rendre à Québec, afin d’en conférer avec elle.

Il n’y avait pas longtemps que l’effroyable massacre de Lachine avait jeté l’épouvante et la consternation dans la colonie. Cependant la Sœur Bourgeoys n’attendit pas la navigation ; elle n’hésita pas à se mettre en route, et fit à pied le voyage de Montréal à Québec, endurant des fatigues inconcevables, souvent obligée de se traîner à genoux sur la glace.

L’évêque voulait lui confier l’établissement de l’Hôpital.

  1. Bossuet.