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Pendant, ce temps, Maisonneuve était aux prises avec Lauzon qui voulait retenir ses hommes à Québec et refusait de fournir des barques, encore qu’il y fût obligé.

Maisonneuve triompha de toutes les résistances, de toutes les ruses. La recrue s’embarqua bientôt pour Montréal et, afin qu’on ne retînt aucun de ses hommes, le fondateur de Montréal partit le dernier.

À Ville-Marie, avec une impatience ardente, on attendait le chef, absent depuis deux ans. Quand les barques parurent, la joie de la petite garnison devint exubérante, indescriptible. Celle des arrivants ne fut guère moindre. On était enfin au terme du voyage.

À perte de vue sur l’île royale, la forêt inviolée étalait son feuillage doré, rougissant. Et il nous semble que Marguerite Bourgeoys dut frémir d’une émotion sacrée lorsqu’en ce décor de sauvage solitude, au bord des eaux luisantes, sous le ciel radieux, elle aperçut le fort qui abritait le germe de Ville-Marie, la merveilleuse cité chrétienne rêvée.

Ce jour-là, au berceau tant de fois ensanglanté de Montréal, il y eut grande fête. L’arrivée de la recrue donna comme une illusion de sécurité. Les colons réfugiés au fort regagnèrent joyeusement leurs maisons abandonnées depuis des années, et tout le monde se mit à l’ouvrage avec un entrain admirable. On défricha des terres, on bâtit des maisons ; l’hôpital fut agrandi et fortifié.

La croix portée par Maisonneuve sur la montagne, après l’inondation de 1642, avait été enlevée par les Iroquois. On