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marguerite bourgeoys

adresse à toutes choses était singulière et elle avait le don inné — on pourrait dire la passion — d’enseigner.

Dès l’âge de dix ans, elle se plaisait à réunir ses petites compagnes pour les faire travailler et son ascendant sur ces enfants était incroyable.

Marguerite n’avait que douze ans lorsqu’elle perdit son excellente mère. Mais sa raison était si au-dessus de son âge, que son père n’hésita pas à lui confier l’éducation de ses deux plus jeunes enfants et la conduite de sa maison.

On ne connaît rien de cette partie de sa vie, mais on peut assurer que la fillette fut à la hauteur de ses graves devoirs, car l’humble Sœur Bourgeoys, si sévère pour elle-même, ne s’est jamais accusée d’y avoir manqué.

Quand M. Olier et M. de la Dauversière formèrent, à Paris, la Compagnie de Notre-Dame de Montréal, Marguerite Bourgeoys venait d’avoir vingt ans. Cette jeune fille, destinée à figurer dans l’élite de l’héroïque phalange, ne tarda pas à être préparée à son extraordinaire vocation, et la lumière lui vint de la Vierge, le premier dimanche d’octobre 1640.

Il y avait, ce jour-là, chez les Dominicains de Troyes, fête du Rosaire avec procession solennelle, et Marguerite s’y était jointe. Comme la procession défilait devant l’abbaye des Nonnains, elle leva les yeux vers une statue de Marie, qui ornait le portail, et la statue, qu’elle avait considérée bien des fois, lui parut d’une beauté ravissante, toute céleste.

En même temps, une lumière surnaturelle inonda son âme de vingt ans. Elle vit le néant de tout ce qui passe ; elle comprit que la sainteté est la grande joie de la vie, la seule joie de la mort, et, comme une flamme du ciel, l’amour divin pénétra son cœur et l’embrasa.

Ce fut pour Marguerite l’heure décisive, l’heure sacrée, l’adieu irrévocable à toutes les joies de la terre : « Je me