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jeanne mance

Une pareille entreprise semblait plutôt convenir à un roi qu’à de simples particuliers. Cependant les fondateurs s’engageaient à faire eux-mêmes les frais presque infinis de cet établissement de Ville-Marie. Sachant que les colons y seraient plus qu’ailleurs exposés aux surprises de leurs cruels ennemis, ils choisirent l’île de Montréal et, après en avoir fait l’acquisition, firent à la Vierge, dans l’église Notre-Dame, à Paris, hommage solennel de l’île inconnue, l’en déclarant à jamais protectrice et propriétaire.

Des hommes choisis parmi les plus forts, les plus courageux, se dévouèrent à l’œuvre de Ville-Marie. Ces hommes qui s’obligeaient à l’héroïsme continuel avaient pour chef Paul Chomedy de Maisonneuve, admirable officier qui n’avait d’autre ambition que de vivre loin du monde et de servir parfaitement Dieu et la France, dans la profession des armes.

Mais, en cette île lointaine et sauvage où les Français allaient avoir une guerre atroce à soutenir, qui prendrait soin des blessés ?

Mesdames, il est dit dans l’Écriture que « là où la femme n’est point, le malade gémit », et, à cette œuvre manifestement divine de Ville-Marie, une femme eut la gloire d’être associée.

Toute grandeur suppose une préparation. Pour qu’un cœur humain s’en aille de tout son poids vers le sacrifice, il faut qu’il soit profondément pénétré de la loi d’amour, du feu sacré apporté par le Christ. La philanthropie, fleur de la terre régénérée, peut bien faire donner l’or et le pain, mais elle ne fait pas se donner soi-même.

Je ne m’arrêterai pas aux jeunes années de Mlle Mance, mais, à ceux qui ne peuvent admettre le surnaturel et que le spiritisme passionne, il serait curieux d’entendre expliquer ce qui se passa à la première rencontre de Mlle Mance et de M. de la Dauversière.