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silhouettes canadiennes

Mesdames, appelée à l’honneur de vous adresser, ce soir, la parole, j’ai cru vous être agréable en vous entretenant d’une femme dont le nom vivra à jamais dans ce pays et surtout dans cette ville, car elle a été la courageuse ouvrière de la première heure ; dans le sol sauvage, elle a aidé à planter la croix et le drapeau français ; parmi les grandes figures de ces jours immortels, la sienne se détache rayonnante et le regard s’y arrête avec un tendre et étonné respect.

Vous avez compris que je veux parler de Jeanne Mance, la noble auxiliaire de Maisonneuve, la fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Ville-Marie.

Ce nom de Ville-Marie rappelle aux Canadiens-français de merveilleux souvenirs de désintéressement, de vaillance et de foi. L’histoire des commencements de Montréal, mais c’est un cantique sacré… un cantique sacré sur un champ de gloire. Dans le monde entier, on ne trouverait pas une ville qui ait une origine aussi noble, aussi pure. Les fondateurs de Montréal — qui le croirait aujourd’hui ? — n’avaient qu’un but : la gloire de Dieu. C’est à ce but, d’une grandeur infinie, qu’ils ont sacrifié l’or et le sang.

La fondation de Ville-Marie est un poëme héroïque, un poëme divin ; mais, à en juger d’après les vues de la sagesse humaine, c’était bien le projet le plus extravagant, le plus impossible, qu’on eut jamais conçu.

Les petits établissements commencés par les Français comptaient à peine deux cents habitants — y compris les femmes et les enfants — quand un prêtre illustre, M. Olier, et M. Royer de la Dauversière, gentilhomme de l’Anjou, eurent l’inspiration de fonder, dans l’île de Montréal, une ville qui portât le nom de Ville-Marie. De cette ville, ils voulaient faire un foyer de civilisation, une barrière contre les incursions des terribles Iroquois, si réfractaires à la lumière de l’Évangile.