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nom s’il disposait son père et sa mère à ce cruel sacrifice. Et, par un coup de cette souveraine maîtrise que Dieu a des cœurs, le consentement, jugé impossible à espérer, fut accordé.

Dès le lendemain, Marie de la Troche quittait le cloître où elle avait cru passer sa vie.


M. de Bernières disait à la Mère de l’Incarnation et à Madame de la Peltrie qu’il n’avait point pitié d’elles, mais qu’il s’attendrissait sur leur jeune compagne et la considérait comme une victime. Les religieuses, qui l’enviaient, ne pouvaient aussi s’empêcher de la plaindre, sachant comme elle avait été délicatement élevée. Toutes fondaient en larmes, en lui disant adieu, mais elle resta calme. C’était son adoré Maître et Seigneur qui brisait tous ses liens, qui l’envoyait si loin, parmi tant de dangers, jeter la semence de vie. Et, amoureusement, elle s’abandonnait à sa main qui la soutenait et l’emportait.

L’archevêque de Tours, vénérable vieillard de quatre-vingts ans, bénit les courageuses missionnaires avec une extraordinaire effusion. La Mère Saint-Joseph le pria de leur commander cette fondation de Québec. Il le fit avec une douceur toute paternelle et, présentant à Madame de la Peltrie la Mère de l’Incarnation et sa compagne : « Voilà, dit-il, les deux pierres fondamentales de l’édifice que vous voulez faire à Notre Seigneur dans le Nouveau-Monde. Je vous les donne pour les fins pour lesquelles vous me les demandiez ; qu’elles soient donc dans ce fondement comme deux pierres précieuses semblables à celles du fondement de la Jérusalem céleste ; que cet édifice soit à jamais un lieu de paix, de grâces et de bénédictions… et puisque c’est pour Dieu que vous le faites, que Dieu y habite comme Père et comme Époux jusqu’à la consommation des siècles. »