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louis hébert

goisses s’ajoutaient aux souffrances inhérentes à la vie des colons de tous les temps.

On n’en restait pas moins fidèle à la Nouvelle-France. À la fin de l’automne, Louis Hébert maria sa fille Anne, qui n’avait pas encore quinze ans, à Étienne Jonquest, jeune Normand établi à Québec. Ce fut le premier mariage célébré au Canada selon les rites de l’Église. Jonquest vint demeurer chez son beau-père. Dans cette maison isolée, un homme était un précieux renfort.

Comme on n’avait pas encore pratiqué de chemins, les rapports avec les hivernants n’étaient pas toujours faciles. Mais Beauchesne, qui commandait à l’Habitation en l’absence de Champlain, le Dr Adrien Duchesne, Abraham Martin, Nicolas Pivert, Pierre Desportes, Guillaume Couillard visitaient souvent la courageuse famille. On causait, on riait, on racontait des histoires sauvages, des exploits de chasseurs, on chantait des airs et des chansons de France.

Hébert, qui désirait ardemment se faire entendre des sauvages, voyait surtout avec plaisir les interprètes. Marsolet, surnommé le petit roi de Tadoussac, et le fastueux Jacques Hertel, qui portait de si riches manteaux, de si belles dentelles et des gants à glands d’or, durent bien des fois s’asseoir à son foyer. Ils parlaient de leurs aventures, des coutumes des indigènes, de leurs superstitions. Ils racontaient les bacchanales de sang et de mort dont ils avaient été témoins, et ne tarissaient pas sur la séduction de la vie des bois et les profits de la traite.

Hébert les interrogeait sur les langues, tâchait d’apprendre un peu de montagnais, un peu d’algonquin. Lui, dans les sauvages, ne voyait pas des pourvoyeurs de fourrures, mais des frères à éclairer, à civiliser, à sauver. Il voulait cultiver mieux que le sol, il voulait cultiver les âmes, et sa maison était toujours ouverte aux sauvages.