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tant le découragement l’envahir, il prit le sentier de la chapelle.

Cette pauvre petite chapelle de bois brut — la première demeure de Notre-Seigneur sur la terre canadienne — qu’elle était chère à notre premier colon ! Que de fois il y vint retremper sa constance !

La forêt sans fin, à peine envahie, se dépouilla rapidement. Les feuilles mortes roulaient le long du cap, elles s’amoncelaient dans la clairière, et Hébert devait dégager les fenêtres et la porte de sa maison. Bientôt viendrait le froid vif, le froid aigu qui mord et brûle la chair. Courageusement, Hébert se préparait à l’hiver si long, si rigoureux. Les cordes de bois s’allongeaient ; les bûches s’entassaient.

Des sauvages hideusement tatoués, marchant avec une légèreté féline, rôdaient souvent aux alentours. Quand la fantaisie d’entrer à la maison leur venait, Mme Hébert dissimulait de son mieux ses frayeurs. La courageuse femme tâchait de s’habituer à leurs allées et venues ; elle se confiait en Dieu, en la prière qu’elle faisait avec son mari et ses enfants. Le soir, lorsqu’on avait tiré les verrous, fermé les épais volets, que son mari se reposait à la douce chaleur en écoutant le babil de ses enfants, elle avait l’illusion de la sécurité, elle oubliait les affreux sauvages, les dangers de l’isolement et se sentait heureuse de donner aux siens le bien-être et la joie. Mais quand le vent déchaîné s’acharnait sur la maison et la forêt, que la nuit s’emplissait de plaintes éperdues, de sinistres hurlements, quel courage ne lui fallait-il pas ! Pour ces pionniers de la civilisation, de terrifiantes an-