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Il apporta à ses importants devoirs une application, une diligence extrême et fit preuve d’un si grand sens, d’une si haute intégrité dans l’administration de la justice, que beaucoup de plaideurs convinrent de s’en rapporter à lui plutôt qu’aux tribunaux civils. En certains quartiers, on s’émut de cet abandon des procédures. Il s’en suivit une contestation qui eut un grand retentissement. L’abbé en sortit victorieux et ne s’applaudit de son succès que parce qu’il voyait le bien public dans un tribunal de conciliation. Redoutant les responsabilités de l’épiscopat, il avait refusé plusieurs évêchés et tâchait de s’effacer pendant que son frère s’efforçait d’arriver au pouvoir. On sait qu’il y parvint, que Louis XVI l’appela au ministère.

Dans la détresse financière où se trouvait la France, c’était un honneur bien redoutable. Mais, dit Thiers, dans son histoire de la Révolution, « Calonne, spirituel, brillant, fécond en ressources, comptait sur son génie, sur la fortune et sur les hommes et se livrait à l’avenir avec la plus singulière insouciance. Il séduisit la cour par ses manières, par son empressement à tout accorder. »

Calonne voulut avoir son frère près de lui. L’abbé se laissa persuader par ce frère qu’il aimait. Il s’en alla vivre à la cour et Louis XVI l’obligea d’accepter la commande de l’abbaye de Saint-Pierre de Melun qui lui assurait de grands revenus.

D’après l’Apôtre, celui qui s’est engagé dans la milice divine ne doit pas s’ingérer dans les intérêts du siècle. L’abbé en fit l’expérience : « Je m’en allais en enfer en carosse », a-t-il dit bien des fois.

Passionné pour les lettres, il voyait beaucoup les écrivains de cette triste époque ; il aimait Beaumarchais et on l’accuse d’avoir contribué à faire représenter « Le mariage de Figaro. » Cette pièce qui fit courir tout Paris fut l’un