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silhouettes canadiennes

clama la Sainte Vierge libératrice de la Nouvelle-France, l’assistance toute entière applaudit avec transports. Jamais on n’a vu chez nous un auditoire aussi frémissant, aussi ivre de joie, que celui qui se pressait ce jour-là dans la cathédrale de Québec.

M. de Vaudreuil, gouverneur du Canada, en écrivant au ministre, fit remarquer combien visible avait été la protection céleste sur le pays. « Tous ces peuples, dit-il, quoique les mieux intentionnés pour se défendre, conviennent que Dieu leur a fait de grandes grâces, en détruisant la flotte anglaise sans qu’il en ait coûté une seule goutte de sang à cette colonie. »



Ces événements augmentèrent la vénération, déjà si grande, que Jeanne Le Ber inspirait. À travers les murs de sa cellule l’imagination populaire l’apercevait veillant et priant pour la patrie. Elle vécut encore trois ans. Une obscurité impénétrable couvre sa vie intérieure si profonde, si intense. Mais nous savons que la charité l’avait dépouillée de sa fortune. Elle voulut ne s’en rien réserver, et, trois semaines avant sa mort, avec les restes de son patrimoine, elle fonda, à perpétuité, chez les Sœurs de la Congrégation, sept pensions pour des orphelines, à choisir parmi les plus pauvres.

C’est au pied de l’autel, par une nuit de l’automne 1714, que le mal, qui l’emporta, la saisit. Sa maladie fut courte, et l’annonce de la mort l’inonda de délices. Sur son lit de douleurs, elle semblait déjà infiniment heureuse. À la vue du Saint Viatique, transportée d’une joie céleste, elle ramassa toutes ses forces pour l’acte d’amour suprême, éternel, et après avoir communié, fit tirer les rideaux de son lit. Seule