Dans cette profonde solitude de l’esprit et du cœur, Jeanne eut à supporter durant de longues années, tout ce que les épreuves intérieures ont de plus accablant, de plus amer.
L’aridité, la sécheresse, la désolation avaient, remplacé les transports de l’amour. Jésus-Christ, qui l’avait attirée si suavement, si puissamment, semblait la repousser à jamais. Il la laissait comme glacée et sans vie à ses pieds.
C’est qu’il voulait la détacher de tout, être aimé pour lui-même. Jeanne le comprenait ; elle bénissait ses rigueurs, ses apparentes duretés, et ne cherchait pas même de consolation auprès de son directeur.
Le temps que Jeanne Le Ber ne donnait pas à la prière, elle l’employait à travailler pour les pauvres et pour les autels. Merveilleux étaient son goût, son habileté. Les fleurs qui s’épanouissaient sous ses doigts agiles, avaient plus de grâce, plus de beauté que les fleurs naturelles ; et l’on disait que les anges, avec qui elle vivait en grande familiarité, l’aidaient dans son travail.
M. Faillon raconte que deux Anglais de passage au Canada se mirent en tête de la voir. Ils firent beaucoup d’instances auprès de Mgr de Saint-Vallier ; et dans l’espoir que la visite ne leur serait pas inutile, le prélat consentit à les conduire chez la recluse.
Elle avait conservé la propriété de sa fortune, mais n’en vivait pas moins dans le dénûment le plus âpre, et grande fut la surprise des deux Anglais en pénétrant dans sa cellule. Jeanne n’avait pas perdu dans la solitude le charme de