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jeanne leber

symphonie dont le Canada pouvait être capable. Il y eut grand monde, entre autres personnes, M. Le Ber. Le jour précédent, il avait bien amené sa très chère et unique fille à la Congrégation ; mais par excès de tendresse, n’ayant pu assister à la cérémonie de rentrée, il vint à celle du lendemain pour témoigner que malgré les excès de son amour paternel, c’était de bon cœur qu’il consacrait à Dieu, pour sa gloire et pour le bien de ce pays, cette très chère consolation du reste de ses jours, s’immolant avec sa très chère fille pour le même sujet. En sorte que Dieu a deux victimes recluses dans ce lieu ; car s’il a le corps et l’esprit de la fille, on ne peut pas douter qu’il n’ait aussi le cœur de ce très bon père. »



Jeanne Le Ber vécut vingt ans entre les quatre murs de sa cellule. Et, qui dira les ardeurs de sa prière, les rigueurs de sa pénitence ? Elle voulait réparer, elle voulait expier, elle voulait ressembler à son Jésus pauvre et souffrant.

Une cloison légère séparait seule son lit du Saint-Sacrement, mais elle se levait, toutes les nuits, et, même par les plus grands froids, se rendait à la chapelle où elle restait longtemps en adoration.

Jamais elle ne sortait. Dans la saison chaude elle ne s’approchait même pas de sa fenêtre, pour respirer l’air frais. On lui passait ses sobres repas par une ouverture pratiquée à la porte, et dans le sanctuaire de la chapelle, du côté de l’épître, il y avait une grille par où elle pouvait se confesser et communier.

Personne n’entrait dans sa cellule, sauf son père, deux fois l’an. Elle gardait un perpétuel silence, et ne voulait rien voir, pas même le ciel.