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silhouettes canadiennes

Cette même année, au temps des récoltes, un fort parti iroquois descendit le Richelieu et se cacha dans les bois de Boucherville pour surprendre les moissonneurs aux champs. Vivement poursuivis, ils se dispersèrent, mais pour revenir plus tard, et la défaite qu’ils essuyèrent, cette fois, alluma dans ces cœurs féroces la soif de la vengeance. L’année suivante, par une nuit très obscure, ils se glissèrent jusqu’aux habitations, mirent le feu à quelques-unes, massacrèrent les familles ou les jetèrent dans les flammes, et s’enfuirent ensuite, entraînant quelques prisonniers[1].

Le lendemain, au lever du jour, on découvrit les ruines fumantes, où les restes calcinés des victimes gisaient dans les cendres.

Ce tragique événement plongea Boucherville dans une noire désolation. Pierre Boucher en ressentit une douleur aiguë. Jusque-là, sa paroisse avait été épargnée. Il avait cru qu’elle le serait toujours. Il se sentait accablé par cette surprise sanglante qui lui en rappelait tant d’autres, et vieux, usé, ne retrouvait plus l’élasticité, la force de vivre. Mais comme tous les hommes d’action, il savait vouloir.

On organisa l’été suivant, une nouvelle campagne contre

  1. Parmi ces malheureux se trouvait l’ancêtre de la famille Sicotte. Il fut scalpé, torturé, mais il réussit à s’échapper et revint à Boucherville où il vécut encore quatorze ans.