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pierre boucher

breux enfants continueraient, achèveraient son œuvre. Tous s’en allaient avec élan à l’action, tous se montraient dignes de lui et dans leur vie d’honneur et de misère déployaient un grand courage. « Quel que soit l’état que vous embrassiez, tâchez d’acquérir la perfection de cet état », disait Pierre Boucher à ses enfants.

Parmi eux, Dieu s’était choisi deux prêtres. Plusieurs de ses fils s’étaient faits, comme lui, défricheurs, et leur sœur, Madame Le Gardeur de Tilly, ne craignait ni de se mettre aux manchons de la charrue, ni de prendre en main la faucille.

Geneviève — la dernière de cette famille patriarcale — voulait se faire religieuse. D’après les contemporains, pour l’intelligence et le caractère elle tenait plus de Pierre Boucher que tous ses autres enfants. Jamais fille n’aima, n’admira plus son père. Il lui en coûtait inexprimablement de le quitter. Désolé de la perdre, mais heureux de la donner à Dieu, son père la soutint dans sa lutte contre la nature. Et, au mois de juin 1694, elle entra au noviciat des Ursulines de Québec, où elle prit le nom de son père vénéré[1]. Le vide que laissait au foyer cette enfant tendre et aimable se fit bien tristement sentir. Mais ici-bas la douleur n’a jamais fini son travail dans notre cœur et Pierre Boucher devait l’éprouver.

  1. Bien des années après, dans une lettre toute pénétrée de tendresse qui a été publiée, elle lui rappelait leurs entretiens et le bénissait de l’avoir fortifiée et éclairée. Sa générosité ne se démentit point. Elle exerça les plus hautes charges du monastère jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, à la satisfaction de tout le monde, dans les temps les plus difficiles. Après six ans de cruelles souffrances, supportées avec une admirable patience, elle mourut en 1766, âgée de quatre-vingt-dix ans. Sa grande mémoire est en bénédiction.