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pierre boucher

des coups audacieux qu’il pourrait sauver le Canada, relever le courage des habitants, reconquérir la confiance des Sauvages alliés et rétablir l’honneur des armes françaises. »

La Nouvelle-Angleterre comptait alors deux cent mille habitants, le Canada en avait à peine douze mille. Cependant Frontenac résolut de porter la guerre jusqu’au cœur des colonies anglaises qui excitaient sans cesse les Iroquois et les poussaient aux derniers excès.

Trois détachements partirent de Montréal, des Trois-Rivières et de Québec en plein hiver. Ces vaillants n’étaient pas trois cents et par la forêt neigeuse, vieille comme le monde, que les seuls cours d’eau interrompaient, ils s’en allaient à des centaines de lieues, attaquer les forts anglais !

Jamais dessein ne parut plus insensé. Ce qu’ils eurent à surmonter de dangers, de fatigues et de souffrances n’est pas concevable. Mais cette prodigieuse campagne les couvrit de gloire. Shenectady (à dix-sept milles d’Albany), Salmon Falls et Casco furent entièrement détruits[1].

  1. Quelques écrivains ont voulu faire retomber sur les Français les cruautés exercées parfois sur les prisonniers ennemis par leurs alliés sauvages, notamment dans ces expéditions contre les colonies anglaises. M. l’abbé Ferland, dans son Cours d’Histoire du Canada, fait d’abord remarquer que ces expéditions avaient été provoquées par les colons de la Nouvelle-Angleterre, lesquels, alors même que les Iroquois exerçaient leurs horreurs dans le gouvernement de Montréal, les excitaient à continuer leur guerre d’extermination ; que les Français n’avaient plus d’autre moyen de défendre leur pays, leurs foyers, leurs biens et leurs familles contre la fédération iroquoise, alliée des Anglais ; que leur petit nombre les obligeait de s’adjoindre des Sauvages, et que, malgré tous