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pierre boucher

La vie d’un arbre est dans ses racines et la vie d’un peuple dans ses origines. Parmi nous, qui n’a songé à ces brillants foyers d’autrefois, perdus dans la noirceur profonde des bois ? Qui n’a revu en pensée ces demeures primitives où les flambées de l’âtre mettaient de la poésie sur la rudesse des choses ? Alors, le confortable était bien inconnu. Mais, à son foyer rayonnant, le fondateur de Boucherville devait faire grande figure quand ses enfants l’entouraient. De sa seconde femme, Jeanne Crevier, il n’en eut pas moins de seize — dix garçons et six filles. Cette belle famille grandissait gaie, robuste, aventureuse, elle allait faire dire à l’un de nos gouverneurs que la famille de Pierre Boucher avait plus travaillé qu’aucune autre au bien du pays.

René Gauthier de Varennes et Nicolas Danau de Muy, officiers fort distingués du régiment de Carignan, devinrent les gendres de Pierre Boucher, et les premiers colons de sa seigneurie se recrutèrent parmi les soldats[1].

C’est avec une joie profonde qu’il accueillait les braves qui voulaient fonder un foyer — allumer la flamme sacrée dans les demeures à léguer. Il les encourageait, les avisait, les

  1. La meilleure repartie du régiment de Carignan demeura au Canada ou y revint après avoir accompagné M. de Tracy en France. Presque tous les soldats s’y étaient faits habitants, ayant eu leur congé à cette condition. Plusieurs de leurs officiers avaient obtenu des terres, avec tous les droits des seigneurs ; ils s’établirent presque tous dans le pays, s’y marièrent et leur postérité subsiste encore. La plupart étaient gentilshommes. Aussi la Nouvelle-France a-t-elle plus de noblesse ancienne qu’aucune autre de nos colonies, et peut-être que toutes les autres ensemble. — Charlevoix.