Le bien à faire, voilà ce que Pierre Boucher avait en vue. C’était sa divine ambition. Mais ce n’est pas sans peines qu’il fit agréer au gouverneur-général sa résolution d’abandonner le gouvernement des Trois-Rivières, et, il dut lui en coûter de quitter cette ville naissante, où la gloire lui avait souri, où son cœur avait tant de fois saigné, où la fraternité de la souffrance et du péril avait formé de ces liens qui jamais ne se brisent.
Les rivières, a dit Pascal, sont des chemins qui marchent. Pour les colons, il n’y avait pas d’autres routes à travers la forêt sans fin, et le déboisement se commençait le long des cours d’eau.
C’est à une vingtaine d’arpents de l’église actuelle, à l’embouchure de la Sabrevois dans le fleuve, que le fondateur de Boucherville attaqua la forêt. Le soir, après la dure journée, une belle flambée égayait la clairière et Pierre Boucher se reposait avec ses hommes en songeant aux moyens de mener son dessein à bonne fin.
Il savait quelle part d’illusion se mêle à l’espérance humaine, il connaissait les âpres difficultés auxquelles sa volonté allait se heurter. Mais il n’en avait pas moins suivi son idéal, et en regardant les étoiles qui s’allumaient dans la pureté du ciel il priait et confiait à Dieu son œuvre. Un océan d’arbres l’environnait, les rumeurs profondes se mêlaient au murmure de la rivière qui coulait tout près, à la mélodie des vagues le long du rivage, et parfois Pierre Boucher s’abandonnait à la douceur des rêves éveillés. Sur la pierre des foyers futurs, il voyait les grands feux s’allumer,