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silhouettes canadiennes

« Ah ! que vous avez eu du bonheur, s’écria-t-il en l’embrassant, d’avoir si bien conservé votre poste. Si les ennemis eussent pris les Trois-Rivières, tout le pays était perdu. »

Il lui exprima vivement la douleur qu’il ressentait de ne pouvoir récompenser de si brillants services. La colonie était si pauvre, qu’il n’avait pas de quoi payer les officiers. « Tout ce que je puis faire, dit-il, c’est de vous donner le commandement du poste que votre valeur guerrière a sauvé. »

Personne ne croyait à la durée de la paix conclue. « La guerre des Iroquois traverse toutes nos joies, disait une lettre de ce temps. C’est l’unique mal de la Nouvelle-France, qui est en danger de se voir toute désolée, si, de France, on n’y apporte un puissant et prompt secours, car pour vrai dire, il n’y a rien de si aisé à ces barbares que de mettre quand ils voudront toutes nos habitations à feu et à sang, à la réserve de Québec, qui est en état de défense, mais qui, toutefois, ne serait plus qu’une prison dont on ne pourrait pas sortir en assurance et où l’on mourrait de faim, si toute la campagne était ruinée… C’est une espèce de miracle que les Iroquois, pouvant si aisément nous détruire, ne l’aient pas encore fait, ou plutôt c’est une providence de Dieu qui jusqu’à présent les a aveuglés… Ils ont fait des coups de cœur, et se sont signalés, en certaines rencontres, autant qu’on pourrait l’espérer des plus braves guerriers d’Europe. Pour être sauvages, ils ne laissent pas de savoir fort bien faire la guerre, mais d’ordinaire celle des Parthes qui donnèrent tant de peines aux Romains. »