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Des sauvages hideusement tatoués, marchant avec une légèreté féline, rôdaient souvent aux alentours. Quand la fantaisie d’entrer à la maison leur venait, Mme Hébert dissimulait de son mieux ses frayeurs. La courageuse femme tâchait de s’habituer à leurs allées et venues ; elle se confiait en Dieu, en la prière qu’elle faisait avec son mari et ses enfants. Le soir, lorsqu’on avait tiré les verrous, fermé les épais volets, que son mari se reposait à la douce chaleur en écoutant le babil de ses enfants, elle avait l’illusion de la sécurité, elle oubliait les affreux sauvages, les dangers de l’isolement et se sentait heureuse de donner aux siens le bien-être et la joie. Mais quand le vent déchaîné s’acharnait sur la maison et la forêt, que la nuit s’emplissait de plaintes éperdues, de sinistres hurlements, quel courage ne lui fallait-il pas ? Pour ces pionniers de la civilisation, de terrifiantes angoisses s’ajoutaient aux souffrances inhérentes à la vie des colons de tous les temps.

On n’en restait pas moins fidèle à la Nouvelle-France. À la fin de l’automne, Louis Hébert maria sa fille Anne, qui n’avait pas encore quinze ans, à Étienne Jonquest, jeune Normand établi à Québec. Ce fut le premier mariage célébré au Canada selon les rites de l’Église. Jonquest vint demeurer chez son beau-père. Dans cette maison isolée, un homme était un précieux renfort.