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LARMES D’AMOUR
26 juin.

Aujourd’hui j’attendais ma mère, et je suis allée à l’arrivée du bateau, mais déception. Il n’y avait pour moi qu’une lettre et un bouquet de roses. Je me suis vite sauvée pour lire ma lettre. Je n’aime pas ces foules bruyantes où les cochers et les gamins ont la haute note. Elmire est venue me rejoindre et après m’avoir pris la moitié de mon bouquet, elle a décidé qu’il fallait explorer la grève en deçà du quai. Nous avons commencé par escalader les énormes blocs qui sont là, et nous y avons trouvé une grotte profonde à demi fermée par des bouquets de jeunes cèdres. Les oiseaux, il me semble, doivent aimer cette grotte le matin, les jours d’automne surtout, car le soleil levant l’emplit de rayons et y fait bourdonner sans doute une foule d’insectes. Mais ce soir elle était pleine d’ombre et de fraîcheur. Nous y sommes restées longtemps. J’avais sur l’âme une brume de mélancolie. Ma mère viendra demain. Ce n’est qu’un retard d’un jour, mais cela suffit pour attrister. L’âme a un ciel si changeant ! Pourtant qu’il faisait beau ce soir ! J’ai laissé la grotte avec regret. Pauvre grotte, me disais-je, ce matin elle est emplie de soleil, de chaleur et de vie avant le reste de la nature qui l’entoure, et la voilà pleine d’ombre pendant que le soleil rayonne encore partout, sur le Cap-à-l’Aigle, sur le fleuve si beau, sur les clochers lointains qui scintillent le long de la côte du sud. Et je pensais à une âme qui m’intéresse et que la tristesse semble envelopper,