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rais par lui faire le sacrifice d’un préjugé. Dans les religions, il ne voit guère que les traditions, que l’héritage des ancêtres.

— Je suis né protestant, je mourrai protestant, dit-il, mais je suis loin d’être un fanatique. À vrai dire, je ne crois pas à grand’chose. Je ne suis plus sûr d’être un chrétien. Quand je cherche ma foi d’enfant, je la retrouve comme une morte aimée qu’on retrouverait en poussière. La foi ! qui l’a vraiment ? Qui est sûr de l’avoir toujours ?

Je me récriai vivement. Il me regarda. Ses yeux clairs m’interrogeaient, semblaient vouloir sonder mon âme jusqu’au fond.

— Il y a quelques années, reprit-il, après un léger silence, je pense bien que j’aurais parlé à peu près comme vous le faites. On s’abuse tant ; l’illusion tient une place si large dans nos sentiments, dans notre vie. Mais je vous le demande, où sont les vrais croyants ? Qui médite l’Évangile, qui le comprend, qui s’en pénètre ?… Dans notre monde, est-ce qu’il n’y a pas un recul vers le paganisme ?

Tout ce qu’il dit a de l’accent. Il est énergique, il est sincère. Ce qu’il me raconta de lui-même me surprit et m’émut. Que nous ignorons l’âme des autres. Mais peut-on comprendre les souffrances qu’on n’a jamais éprouvées ? Les angoisses du doute me sont absolument incon-