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L’OUBLIÉ

premiers colons de Montréal ; cependant Élisabeth n’en semblait pas souffrir. Son amour grandissait dans cette atmosphère de sanglante et céleste poésie ; et, comme une femme prend toujours les sentiments de celui qu’elle aime, elle s’intéressait fortement au beau et viril spectacle qu’elle avait sous les yeux.

« Dans les grandes œuvres il n’y a point de petits ouvriers, » lui disait parfois Mlle  Mance.

Élisabeth voulait donc se rendre utile et s’ingéniait à seconder l’héroïne auprès des blessés.

Quelquefois, c’était elle qui leur portait leurs repas. Quand, les mains chargées, elle entrait dans la salle les fronts attristés s’éclairaient. Tous aimaient à recevoir leur portion de sa main.

Elle n’avait pas la gaieté de son âge. Singulièrement réservée, elle ne parlait que lorsqu’il le fallait ; mais son passage, dans la salle, n’en laissait pas moins aux malades, comme un rayon de printemps.