Page:Conan - L'oublié, 1900.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
L’OUBLIÉ

Certes, il avait confiance en son lieutenant, et les sanglants fondements de Ville-Marie rayonnaient à ses yeux de clartés célestes. Cependant, à la veille de partir, des craintes vagues, terribles, et mille poignantes sollicitudes s’éveillaient en lui. Il sentait, au moment de s’éloigner, toute la force des liens qui l’attachaient à Montréal ; et, lui qui n’outrait pas ce qu’il ressentait, qui ne cherchait jamais à attendrir sur ce qu’il souffrait, dit tout à coup à Lambert Closse :

« Quand je pense que je vais partir, il semble que j’aie comme un coup de couteau au cœur.

— Allons donc ! s’écria le major, soyez joyeux, vous allez revoir la France.

Et pensif, jouant dans l’eau avec ses rames, il fredonna ce vieux chant d’un troubadour :

Quan la doussa aura venta,
Deves nostre païs
M’es veiaire que senta
Odor de Paradis[1]

  1. Quand le doux vent vient à souffler du côté de mon pays, m’est avis que je sens une odeur de Paradis