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L’OUBLIÉ

distractions absolument nécessaires à cette fillette de quinze ans ; et lorsqu’elle pouvait la faire accompagner par quelqu’un sur qui elle pût compter, elle l’envoyait se promener à la Pointe. Pour l’enfant séquestrée ces promenades étaient une grande joie. Bien volontiers, elle serait restée des heures entières sur la grève, à aller et venir, à regarder les algues, les herbes, les branches que la vague lui apportait… « C’est que je suis une pauvre petite épave, » disait-elle, pour expliquer ce goût ; et, en elle-même, elle ajoutait… « Une branche brisée, jetée ici par le flot, qui y prendrait à l’instant racine et sentirait la sève courir dans toutes ses fibres, serait ma fidèle image. »

Cela la faisait rêver ; mais elle finissait par se dire naïvement : « La Vierge Marie a fait pour moi un miracle. »

Cette pensée de la Vierge animait tout, éclairait tout à Ville-Marie. L’héroïsme opiniâtre se fondait dans son culte. L’image de Marie était brodée sur le drapeau ; elle