Page:Conan - L'obscure souffrance (suivi de Aux Canadiennes), 1919.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
AUX CANADIENNES

Ah ! oui, je le sais, de ce vice hideux qui prive l’homme de son intelligence, de sa raison, de son cœur humain, la femme a souffert !

Vous avez, Mesdames, le besoin d’admirer et d’aimer. Votre sensibilité est délicate, vive, profonde. Si la vue d’un homme ivre dégoûte tout être raisonnable, qu’est-ce pour vous de voir un père, un frère, un époux, un ami, changé en énergumène grotesque, féroce, ou gisant ignoble, sans vie, comme si son âme immortelle l’avait abandonné.

Sur notre pauvre terre, bien des larmes ont coulé, mais aucunes plus amères que les larmes versées sur la dégradation, l’infamie, le déshonneur d’un être aimé.

Et à cette souffrance intime, secrète, tant d’autres infiniment plus cruelles s’ajoutent.

L’intempérance a inondé la terre de malheurs et de crimes. C’est l’horrible pourvoyeuse des cimetières, des hôpitaux, des cabanons de fous, des prisons, du bagne et de l’échafaud.

Oh, la sinistre éloquence des statistiques !