Page:Conan - L'obscure souffrance (suivi de Aux Canadiennes), 1919.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
L'OBSCURE SOUFFRANCE

Je compris qu’il tenait grand compte du trouble de la tentation, de la souffrance aiguë, de l’exaspération de la sensibilité, et il parut heureux de me dire qu’il était loin de me juger aussi coupable que je croyais l’être.

Malgré mon horreur des confidences, je n’eus pas trop à me violenter pour l’éclairer sur mes difficultés. Je lui racontai la mort de ma mère, ses remords, ses craintes, ses implorations à la dernière heure, ma promesse solennelle de faire tout mon devoir, de ne jamais abandonner mon père.

Je lui dis comme j’avais tâché longtemps d’être patiente, dévouée, mais que depuis ses derniers excès et ses brutalités, je voulais le quitter.

—  « Où iriez-vous ? » me demanda-t-il.

—  « Chez l’une de mes tantes qui m’aime, qui serait heureuse de m’avoir. » J’ajoutai que je ne ferais pas d’éclat, que ma tante était très honorable, très honorée ; que chez elle j’aurais de grands moyens de me rendre utile, de faire beaucoup de bien ; qu’en continuant de vivre avec mon père je risquais d’en venir à le haïr, et lui demandai si ma promesse à ma mère morte me liait irrémédiablement.