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L'OBSCURE SOUFFRANCE

et saines joies ! J’aimerais savoir à quoi songeaient mes ancêtres quand ils se reposaient à ce foyer. À travers les soucis, les calculs, les trivialités de la vie, il me semble que je découvrirais la foi profonde, les secrètes poésies du cœur.

On dit que nos morts nous entourent, qu’ils sont des invisibles, non des absents. Si c’était vrai, quelle nombreuse famille j’aurais autour de moi !

Mais je suis bien sûre d’une chose : ma pauvre mère ne m’a pas abandonnée. Dans cette maison, où elle a tant souffert, où elle a tant pleuré, aux heures les plus cruelles j’ai cru parfois sentir son invisible présence. Un jour que mon père m’avait brutalisée, parce que je m’attachais à lui pour l’empêcher de boire, et que j’éprouvais un besoin enfantin d’être embrassée, d’être consolée, il me semble qu’une pitié, qu’une tendresse m’enveloppait toute. Avec quel abandon je pleurai ! Comme je me sentis fortifiée et comment en suis-je venue à écrire ceci ? Quand j’ai commencé mon cahier, j’avais si grand soin de tout gazer.