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L'OBSCURE SOUFFRANCE

vais lire dans les cœurs, ne serais-je pas bien humiliée ? Faut-il vous dire que je ne suis pas sans savoir que ma fortune a de vifs attraits ?

Quelques années de vie mondaine lui ont donné une triste clairvoyance de bien des choses. Elle me parla avec une confiance qui me surprit et me fit un amusant récit de ses emballements, de ses désillusions.

— Je crois, finit-elle par dire, que je m’entendrai bien avec mon futur mari. Il a du sens, de l’honneur, je l’estime… Ah ! j’aurais bien préféré l’aimer. Mais une sympathie profonde est chose si rare. D’après maman, il faut savoir s’accommoder du réel, du convenable. Elle assure que ceux qui cherchent le bonheur en ce monde n’y trouvent que le regret d’avoir perdu leur temps.

Comme je restais silencieuse, elle reprit : Vous êtes-vous jamais demandé ce que les femmes mariées pensent de leur sort ? Si on le pouvait savoir, on verrait, je crois, que rien n’y a répondu à leurs désirs.

Cela me rappela la parole de Shakespeare : « Elle est encore à naître la femme qui a trouvé