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ÉLISABETH SETON

il est plus mal, il n’en a que plus d’ardeur à ne pas perdre un moment. C’est ainsi qu’il a toujours été depuis que nous sommes renfermés dans ces murs de pierre ; toujours, excepté ce jour que nous avons cru le dernier. Il dit souvent : « Soit que je vive, soit que je meure, je regarderai ce moment de ma vie comme un temps de bénédiction : c’est le seul temps que je n’ai pas perdu. » Jamais le moindre murmure. Oh ! avec un regard vers le ciel : c’est, le seul mot de plainte que j’ai jamais entendu de lui ; bien qu’il soit épuisé, presque réduit à rien, par les rapides progrès d’un mal dont la nature même est de ne pas lui laisser de trêve entre l’irritation de la toux, les frissons, les suffocations, les défaillances, la faiblesse continuelle. Pourquoi es-tu triste, mon âme ? Voilà les seules paroles qui semblent le soulager. Souvent il parle de ses chers petits enfants ; plus souvent encore du bonheur de les revoir au ciel. Il parle de ceux que nous avons quittés, il regrette surtout notre cher Henry Hobart[1] dont les visites et la société lui eussent été une si grande consolation dans l’affliction où il est. Lorsque je remercie Dieu de ce qu’il m’a créée et de ce qu’il me conserve, je le remercie maintenant avec une ardeur que je ne m’étais pas connue.

« Ne rien attendre que de Dieu seul pour l’âme et pour le corps de mon William ; adoucir et consoler de pareilles heures d’accablement et de souffrance ; le secourir en de telles défaillances, ce que nul ne peut faire ici, hors moi seule après Dieu ; lui chanter les hymnes triomphantes de l’espérance et de la victoire du chrétien, tandis que son amour, prévenu en ma faveur, m’attribue toute la joie qu’il y trouve ; l’entendre prononcer le nom de mon Rédempteur, en me disant que c’est moi qui la première lui en ai fait sentir la douceur : oh ! cette œuvre de bénédiction, pour qu’elle fût possible, il fallait ces jours de re-

  1. Ministre anglican de New-York et ami d’enfance de William Seton.