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ÉLISABETH SETON

elle s’est trouvée un peu mieux, nous nous sommes mises à genoux toutes les deux. Ah ! puisse sa chère âme répandre longtemps de ces larmes précieuses comme elle en répandait tout à l’heure. — Chère, chère Rebecca, que de fois n’avons-nous pas veillé ensemble, nous deux auprès du foyer, comme m’y voici, maintenant toute seule. Seule, oh ! non, je ne suis pas seule. J’ai ma Bible, mes livres de piété, mon Imitation, visibles objets d’une jouissance continuelle ; quand je n’ai pas des heures à leur donner, j’ai des minutes… »


12 décembre.

« Une semaine vient de s’écouler, chère sœur, sans qu’une seule ligne sortie de ma plume en ait fixé les souvenirs. Le premier jour, ce cher jour du dimanche, qui d’ordinaire m’apporte ses constantes bénédictions, s’est passé en prières interrompues, dans l’anxiété, et toute la nuit à veiller. — Lundi, le 5, je fus réveillée de très bonne heure par mon pauvre William, souffrant toujours davantage. Je fis appeler le docteur Tutilli, qui, sitôt qu’il l’eut vu, me dit : « Ce n’est plus moi qui suis nécessaire ici. Il faut faire appeler celui qui peut assister son âme. » À ce moment, je me sentis comme seule au monde. Mon William me regardait dans une agonie muette ; et, moi, de même, je le regardais, chacun de nous ayant peur d’affaiblir le courage de l’autre. Tout à coup il s’est jeté dans mes bras, et il a dit : « Je rends mon âme près de toi… je meurs. » — Une crise affreuse est survenue, et après, une révolution extraordinaire s’est opérée en lui ; tellement que quelques heures plus tard il ne paraissait pas plus mal que lors de notre arrivée au lazaret. Oh ! quelle journée !… Je l’ai passée tout entière à côté de son lit, sur ma petite natte. La plus grande partie du temps, il est demeuré assoupi. Comme je priais, comme je louais Dieu ! Nul n’est venu troubler ce silence solennel. Ni déjeuner, ni dîner pour