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ÉLISABETH SETON


Vendredi, 25 novembre.

« Journée de souffrances pour le corps, mais de paix en Dieu. — Prié à genoux sur nos nattes, autour de la table, et récité notre office — grand vent et tempête. Carleton a été admis au bas de notre escalier ; d’en haut, j’ai pu m’entretenir avec lui, ce qui m’est une grande douceur ; car je le regarde comme un être parfait. C’est aujourd’hui l’anniversaire de la naissance de notre cher petit William[1] ; je l’ai rappelé à mon mari ; j’ai mal fait, car il en a été ému jusqu’aux larmes. Hélas ! il est si faible, qu’il pleure à la seule pensée de notre foyer. Que Notre-Seigneur est bon de donner un peu de force à mon âme ! Imaginez que vous voyez mon pauvre mari, lui qui a tout quitté pour venir chercher un climat plus doux, emprisonné entre ces murailles hautes et humides, exposé au froid et au vent, qui le pénètrent jusqu’aux os ; et impossible d’avoir du feu, si ce n’est celui de la cuisine, fait avec du charbon de terre, dont la fumée l’oppresse, lui serre la poitrine jusqu’à lui donner presque des convulsions ; et pas une goutte de sirop, rien pour calmer cette toux. Du lait seulement, du quina, du lichen d’Islande, ou encore des pilules d’opium, qu’il prend sans dire mot, comme par devoir, sans avoir seulement l’air d’en rien espérer. Lorsque je sens en moi que la nature succombe, et que je ne puis même trouver un sourire, je cache ma tête contre la chaise à côté de son lit ; il s’imagine que je prie. Je prie, en effet : la prière est toute ma consolation. Sans elle, je serais de bien peu d’utilité pour lui. Nuit et jour, il m’appelle « son âme, sa vie, sa chérie, son tout. » — Notre commandant est venu cet après-midi, et voyant le pauvre William dans un violent accès de fièvre, il s’est : écrié : « Dans cette chambre, que de souffrances j’ai vues déjà ! Ici, un Arménien, en lutte avec la mort, qui suppliait qu’on lui

  1. Le second des enfants de William et Élisabeth.