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ÉLISABETH SETON

« Un chirurgien de Staten Island[1] était venu demander le secours des lumières de M. Bayley pour une opération difficile et redoutable. Malgré son désir d’obliger, le docteur refusa, autant à cause de la distance que de l’excès de ses fatigues et de ses occupations. Son confrère insistant auprès de lui : Ces pauvres gens qui espéraient tant vous voir, qu’ils vont être affligés de votre refus ! Il m’en coûte de leur en porter la nouvelle… ils sont déjà si malheureux… et ils sont si pauvres !…

— Ils sont pauvres ! s’écria Richard Bayley, bondissant hors de son fauteuil, ils sont pauvres ! Eh ! que ne le disiez-vous plus tôt ! Partons, mon cher. Allons, je vous suis. »[2]

Le docteur Bayley possédait à Staten Island une délicieuse villa et Madame Seton y passait toujours avec lui la belle saison. Elle y était au mois d’août 1801, quand la fièvre jaune éclata à New-York. C’était surtout parmi les pauvres émigrants irlandais que le fléau sévissait. Comme il l’avait déjà fait en des circonstances analogues, Richard Bayley donna l’exemple du plus complet dévouement, du plus généreux mépris de la vie.

Chaque jour, il devançait le lever du soleil et jusqu’à une heure avancée de la soirée il restait au milieu des malades et des mourants, à leur donner tous les soins.

Il y prit la fièvre : et, après six jours de cruelles souffrances, expira entre les bras de sa fille, en implorant la miséricorde de son Sauveur.

Sa mort laissa Mme  Seton sans force, sans ressort. Le courage dont elle avait déjà donné tant de preuves l’abandonna, et un profond accablement s’empara d’elle. Mais, dans cette âme profondément chrétienne, le sentiment du devoir se réveilla bientôt.

  1. Petite île de la baie de New-York.
  2. « Élisabeth Seton, » I, p. 76.