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ÉLISABETH SETON

sentiments les plus tendres, les plus profonds de la nature. C’est là ce qui vous est demandé maintenant, mon bien-aimé ; car, s’il avait été donné de voir notre Rébecca monter au ciel sous la forme d’un ange, vous ne pourriez être plus certain qu’elle est avec Dieu que vous n’en serez certain par la foi, lorsque vous aurez appris de quelle sainte mort nous avons été les témoins.

« C’eût été de notre part un souhait égoïste, oui égoïste, de désirer prolonger ses souffrances et ajourner son assuré bonheur pour nous conserver plus longtemps la douce possession de cette chère créature. Et pourtant, j’ai perdu en elle la bien-aimée petite amie de mon cœur, qui lisait en lui toute peine et toute joie, comme en un livre ouvert. J’ai perdu l’enfant la plus chérie de mon âme, à cause de ses souffrances et de sa patience incomparable. Toutefois, en ce moment, je regarde en haut avec joie, souffrant seulement pour vous qui êtes si loin… Elle a dit souvent que si Dieu permettait qu’elle se fît voir à vous, elle n’y manquerait pas ; mais ce dont elle se tenait pour bien assurée, c’est que Notre-Seigneur ne refuserait pas à son âme la douceur de vous voir. Pour nous, vraiment, après les grâces célestes dont son Seigneur l’a favorisée en ce monde, nous pouvons bien croire qu’il ne lui refuse plus rien à cette heure.

« Il ne m’est pas possible de vous donner une idée de la perfection de Rébecca : la beauté de son âme, et même aussi sa terrestre beauté ont été croissant chaque jour, jusque dans les bras de la mort. Votre dernière lettre nous arriva la veille du jour où nous l’avons perdue. Elle était entrée déjà dans sa longue agonie. Je pus encore lui apporter vos tendres paroles : elle leva les yeux sur le crucifix, vous bénissant avec une expression de tendresse répandue sur tout son visage, et en même temps une expression très vive de cette douleur qu’elle a toujours ressentie de votre absence. Ne pas vous voir, c’est le seul regret qu’elle ait