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ÉLISABETH SETON

drait n’être qu’un animal, et mourir comme lui, sans penser à rien ! Ô mon Dieu, tout ce que je puis faire, c’est de me prosterner, et de m’abandonner à vous. Que c’est bon à vous de permettre que je puisse le faire.

« Ce n’est pas l’âme qui est coupable en tout ceci : l’esprit, du mal, il est vrai, est très actif ; mais le bon esprit se tient dans l’angoisse au pied de la croix, élevant ses regards par delà toute cette désolation, adorant, se soumettant, abandonnant tout à Dieu, ne voyant que lui, s’anéantissant devant lui, oubliant toutes les créatures, disant Amen aux Alleluias qui retentissent au ciel ; se sentant prêt à tout moment à se précipiter jusque dans les enfers plutôt que d’ajouter une seule offense à cette montagne de péchés que l’âme coupable a déjà entassée sur les épaules du Sauveur. »


À la désolation intérieure s’ajoutèrent des tentations violentes. L’obéissance qu’elle avait vouée avec tant de consolation lui devient odieuse, insupportable ; et un amer sentiment de révolte contre la Providence remplit malgré elle son cœur.

La mère Seton a raconté que n’en pouvant plus de cette lutte contre elle-même, elle sortit, un jour, de grand matin. Un petit chien qui l’accompagnait souvent, mais qu’elle ne voulait point cette fois, s’étant obstiné à la suivre, Élisabeth prit un bâton et l’en menaça. Mais le chien se coucha sous le bâton et en lécha le bout. Le bâton ne remuant plus, écrit Élisabeth, il s’approcha en rampant jusqu’à ce qu’il eût atteint les pieds de sa maîtresse, et se mit à les lécher avec des transports de joie et de tendresse. Je fus si touchée que je jetai le bâton, et pris dans mes bras la fidèle petite créature que je couvris de larmes les plus douces que j’eusse répandues depuis longtemps : « Oui, mon Seigneur bien-aimé, oui, mon maître adoré, disais-je, moi aussi je baiserai le bâton levé pour me frapper ; moi aussi je m’enlacerai autour des pieds qui sont prêts à me fouler. » Puis,