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ÉLISABETH SETON

avait dans tous les petits objets qui lui appartenaient ; son ingénieuse adresse à réunir l’élégance et l’économie dans sa mise si nette et si simple ; toutes ces choses, qui faisaient le bonheur de sa pauvre mère, sont maintenant la source intarissable de ses regrets et de son admiration : il me semble que jamais je ne verrai rien qui se puisse comparer à elle… Si vous l’aviez vue au moment où j’étais à genoux, cherchant à réchauffer ses pieds glacés — ils ont été glacés près de deux jours avant. — Elle vit que je pleurais, et ne pouvant me cacher qu’elle pleurait aussi, tout en me souriant en même temps, elle me fit encore la question qu’elle m’avait si souvent adressée : « Se pourrait-il que vous pleuriez sur moi ?… Ne devriez-vous pas vous réjouir ?… Ce ne sera que pour un moment ; et après, nous serons réunies pour l’éternité… l’éternité !… l’heureuse éternité avec ma mère ! quelle pensée ! »… Oh ! le dernier regard de ses yeux ! comme si elle avait vu par delà les nuages… et ces chères mains qu’elle avait jointes et qu’elle a toujours gardées ainsi !! La chère sœur qui l’a habillée dans sa robe blanche a voulu couper ses manches pour la laisser, pour ne pas la déranger, dans cette position. Il ne faut pas que la pauvre mère en dise davantage. Priez seulement pour que la force lui soit donnée.

« Vous me croiriez, si vous m’entendiez disant de toute mon âme : Que votre volonté soit faite !… L’éternité, c’était le mot de prédilection d’Anna. Je le trouve écrit sur tout ce qui lui appartenait, sur ses livres, sur ses cahiers, sa musique ; sur les murs de sa petite chambre, partout ce mot là.[1] »


XXIV


L’éternité ! c’était aussi le mot d’Élisabeth ; mais elle n’avait plus le ressort de ses jeunes années. Puis, quand

  1. Lettre à Mme Sadler.