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semble que Dieu me pardonne l’amertume de mes pensées, et je maîtrise mieux mes tristesses.

Mais aujourd’hui, je me suis oubliée sur la grève. Debout dans l’angle d’un rocher, le front appuyé sur mes mains, j’ai pleuré librement, sans contrainte, et j’aurais pleuré longtemps sans ce bruit des vagues qui semblait me dire : La vie s’écoule. Chaque flot en emporte un moment.

Misère profonde ! il me faut la pensée de la mort pour supporter la vie. Et suis-je plus à plaindre que beaucoup d’autres ? J’ai passé par des chemins si beaux, si doux, et sur la terre, il y en a tant qui n’ont jamais connu le bonheur, qui n’ont jamais senti une joie vive.

Que d’existences affreusement accablées, horriblement manquées.

Combien qui végètent sans sympathies, sans affection, sans souvenirs ! Parmi ceux-là, il y en a qui auraient aimé avec ravissement, mais les circonstances leur ont été contraires. Il leur a fallu vivre avec des natures vulgaires, médiocres, également incapables d’inspirer et de ressentir l’amour.