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souvent de longues heures. Il avait enlevé quelques pouces de l’écorce du frêne, et gravé sur le bois, entre nos initiales, ce vers de Dante :

Amor chi a nullo amato amar perdona.[1]

Amère dérision maintenant ! et pourtant ces mots gardaient pour moi un parfum du passé. J’aurais donné bien des choses pour conserver cet arbre consacré par son souvenir. La dernière fois que j’en approchai, une grosse araignée filait sa toile, sur les caractères que sa main a gravés, et cela me fit pleurer. Je crus voir l’indifférence hideuse travaillant au voile de l’oubli. J’enlevai la toile, mais qui relèvera l’arbre tombé, — renversé dans toute sa force, dans toute sa sève ?

Le cœur se prend à tout, et je ne puis dire ce que j’éprouve, en regardant la côte où je n’aperçois plus ce bel arbre, ce témoin du passé. J’ai fait enlever l’inscription. Lâcheté, mais qu’y faire ?

Pendant ce temps, il est peut-être très occupé d’une autre.

  1. L’amour impose à qui est aimé d’aimer en retour.