« En descendant de voiture, nous prîmes la lande que rien ne séparait de la grande route.
« Par endroits, les rochers affleuraient le sol ; l’herbe était rude et courte, les arbres chétifs, souffreteux, rechignés, et tout le paysage avait ce caractère de tristesse que l’océan reflète sur ce qui l’entoure.
« Nous marchions rapidement, sans échanger une parole.
« Les grands rochers, qui bordent cette partie de la côte, nous cachaient toujours la mer ; mais nous en respirions l’âpre parfum et le bruit des vagues nous arrivait retentissant, régulier, solennel.
« Cette voix de la mer, encore invisible, résonnait en moi avec une indicible puissance. Un trouble inconnu, une crainte extraordinaire faisait battre mon cœur.
« Nous gravîmes la falaise par un sentier charmant, frais et couvert. Les pierres polies par les pluies et les aiguilles résineuses des sapins le rendaient fort glissant. Mais nous arrivâmes heureusement au sommet couronné d’arbres maigres, tordus par les vents, et, levant la tête, j’aperçus l’océan !… la belle et terrible mer.
« Si longtemps que je vive, jamais je n’oublierai cet éblouissement.