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Celui-ci lui indiqua de la main un sofa placé dans l’ombre.

Brun, mince, élégant, il paraissait avoir de vingt-cinq à trente ans et portait l’uniforme de lieutenant des cuirassiers.

Sa figure était sombre, et il resta debout, ouvrant et fermant les livres qu’il prenait au hasard. Après quelques instants :

— Voyons, dit Charles Garnier, si vous n’avez rien à dire, est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux aller dormir ?… Il est minuit passé, et nous avons fait, aujourd’hui, bien du chemin.

— Qu’est-ce que cela fait puisque nous sommes arrivés ? répondit le militaire. À votre place moi, je n’aurais pas plus envie de dormir qu’un élu qui vient d’entrer au ciel.

— En êtes-vous bien sûr, fit Charles Garnier, se frottant les yeux. Vous n’avez pas la mine bien éveillée, pourtant, et on dirait que vous avez quelque chose.

— Je n’ai rien… seulement de la neige et du feu dans les moëlles.

— Ce qu’on appelle la fièvre… en langage ordinaire, Réginald ?

— Non, je n’ai pas la fièvre, dit l’officier, s’asseyant à côté de son ami. Mais je vous trouve heureux… quelle belle vie vous avez devant vous !