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— Vous savez ce qui vous attend là-bas… vous savez que vous allez à une vie plus horrible que la mort, répliqua M. de Champlain, en le regardant droit dans les yeux.

Le missionnaire inclina silencieusement sa tête sereine.

— Vivre parmi les sauvages, c’est vivre de souffrances, ou plutôt, ce n’est pas vivre… c’est mourir à tous les besoins de l’âme et du corps.

— Mais tant mieux, monsieur ! que tout l’homme meure, en effet, et qu’il ne reste plus en moi que l’envoyé de Dieu.

— Dans les royaumes de Satan, les envoyés de Dieu courent bien des risques… Ils tiennent à leurs superstitions, ces sauvages grossiers et féroces… et la qualité d’envoyé de Dieu ne vous vaudra peut-être que la plus horrible des morts.

Une flamme céleste brilla dans les yeux du jésuite.

— C’est la règle ordinaire, s’écria-t-il joyeusement. Il faut du sang pour que la semence de vie germe et prenne racine… Mais Notre-Seigneur daignera-t-il accepter le mien ?… Je lui offre, dès aujourd’hui et de grand cœur, mon sang et ma vie.

Le P. de Brébeuf dit cela très simplement, avec une sincérité énergique qui émut Champlain. L’héroïque marin connaissait les hommes, et res-