— Oh ! oui, je m’en souviens ! dit joyeusement Gisèle. Le bon petit souper !… Je ne sais comment cette nuit noire, que j’avais autour de moi depuis la mort de ma mère, s’était dissipée… Je trouvais Charles bien à mon gré ; et, le souper fini, nous eûmes une causerie au coin du feu. Nous fûmes vite de grands amis… Je lui confiais toutes mes tristesses… Il me parlait de sa première communion… du ciel… et ses paroles d’enfant entraient en moi comme une chaleur… comme une lumière.
— Vous chantiez déjà délicieusement ; et, pour lui, vous consentiez à chanter. Il était bien fier de son succès, et venait me dire à l’oreille : Elle m’aime ! elle m’aime !… Lui aussi vous aimait déjà… et pleura fort quand il fallut retourner au collège.
Gisèle écoutait ravie.
— Quand il fut parti, dit-elle, j’éprouvai un étrange sentiment de vide… d’abandon… La maison… le jardin me parurent plus grands… tout dépouillés…
Quelque chose, dans son accent, émut madame Garnier jusqu’au fond du cœur.
Elle savait que cette enfant n’aimait que son fils sur la terre ; que, dans son affection pour lui, tous ses sentiments venaient se confondre avec la force et la douceur des premiers souvenirs.